ON A TOUS UNE HISTOIRE

Cher journal,

Je ne sais pas pourquoi je me décide à noircir une page ou deux en racontant ma vie, parce qu'elle est loin d'être passionnante, disons qu'on ne risque pas d'en faire un best-seller, mais le pédopsychiatre qui suit mon neveu m'a demandé de le faire, soit-disant, ça pourra aider l'enfant. Je ne vois pas en quoi, mais admettons. Je m'appelle Jonas Gauthier et je suis né à Paris il y a quarante-cinq ans de cela. J'étais le deuxième enfant du couple formé par mes parents. Mon grand frère, Mathias n'avait que trois ans de plus que moi, ce qui n'est pas vraiment énorme comme différence tu en conviendras. Mon enfance se déroula sans vraiment d'événement notable, sauf peut-être à mes dix ans où toute la famille dû faire ses bagages et aller vivre dans la patrie de ma mère, les Etats-Unis et plus particulièrement la ville de New York, celle que l'on appelle la Grosse Pomme. L'avantage lorsque l'on arrive dans un pays étranger en étant enfant, c'est qu'on a pas de mal à s'adapter, disons que c'est moins long que pour les adultes. Pour ma mère ce n'était pas difficile, puisqu'elle rentrait dans sa famille, mais mon père...le pauvre, il dû apprendre à parler anglais assez rapidement. Remarque, il avait un professeur particulier à la maison, ma mère.

Ainsi, notre vie s'écoulait paisiblement. Ma première année à l'école New-Yorkaise fut assez compliquée, mais l'année suivante mes notes étaient enfin plus que correctes. Je voulais que mes parents soient fiers de moi, à l'âge de dix-sept ans, je savais déjà que je voulais devenir avocat, et je voulais me spécialiser dans la défense des mineurs. Je ne supporte pas qu'on s'en prenne à un enfant...comme beaucoup de monde, je le sais, mais je voulais agir pour les défendre, je voulais me rendre utile, à cet âge-là je décidais donc de ma carrière. J'avais bien l'intention de travailler sérieusement pour y arriver. Et c'est ce que je fis. Ce qui ne m'empêcha pas d'avoir des amis, une vie sociale. Concernant la vie amoureuse, elle fut un peu plus compliquée. J'ai toujours été attiré par les garçons, mais à l'époque, ce n'était pas comme maintenant, c'était presque une tare, alors je ne disais rien. Je me contentais de rester célibataire. Je n'ai connu ma première histoire d'amour qu'à l'âge de trente ans.

Cela fait dix ans maintenant que j’exerce pleinement la profession d'avocat et j'adore mon métier. Bien sûr toutes les affaires ne sont pas palpitantes, mais il ne faut rien dénigrer. J'ai pour projet d'ouvrir mon propre cabinet, à dire vrai, j'étais à deux doigts de le faire l'année dernière, mais...mon frère adoré, Mathias eut un accident de la route avec sa femme, ils furent tués tous les deux sur le coup. Lorsqu'on me l'a appris j'ai cru que le ciel me tombait sur la tête. J'étais très proche de mon frère et ma belle-soeur était vraiment une fille formidable et puis il y avait mon neveu, dont je suis le parrain. Ce petit bout de chou qui allait avoir six ans se retrouvait seul au monde. Mes parents ne pouvaient pas s'en occuper parce qu'ils sont trop âgés, alors j'ai décidé de m'en occuper, hors de question qu'il soit placé chez des inconnus alors qu'il a encore de la famille. Je suis avocat, j'ai donc obtenu sa garde par des voies légales, mais ce ne fut pas facile considérant mon célibat. Depuis la mort de ses parents, Thyméo, c'est son prénom, n'a pas ouvert la bouche. Je comprend qu'il soit choqué, alors je fais tout ce qu'il faut pour qu'il retrouve la parole. Chaque semaine on va voir un pédopsychiatre tous les deux, je ne sais pas combien de temps il faudra aller le voir pour que cela fonctionne, mais on vient seulement de commencer cette "thérapie", donc je verrais bien. Le médecin semble très compétent en tous cas et Thyméo l'aime beaucoup.

Concernant ma vie privée, je n'en ai pas. D'abord parce que je consacre tout mon temps libre à mon neveu et puis en plus, ma dernière relation s'est terminée parce que mon mec me prenait pour son défouloir personnel et j'en ai eu assez de me faire frapper. Il a fait ses bagages l'année dernière et est parti de l'appartement que nous habitions ensemble depuis cinq ans. J'ai réussi à obtenir une ordonnance d'éloignement, il ne peut pas m'approcher au-delà d'un certain périmètre. Voilà ce que c'est que de s'en prendre à un avocat...non mais.

Bien, je vais devoir y aller, je pense avoir dit tout ce qu'il fallait savoir sur moi. A bientôt.