i like you when you're hurt (pv)

Le bruit du crayon frottant sur le papier était la seule chose qui troublait le silence de la pièce ; sa concentration toute dirigée vers ce qui lentement s'esquissait sous ses yeux, les courbes d'un visage qu'elle connaissait par cœur à force de lui faire face. Ce ne fut que lorsque la faim se rappela à elle qu'elle avait levé le nez, l'horloge affichant alors presque dix-neuf heures. Mais l'envie de se sustenter était présente, l'envie d'agir en ce sens beaucoup moins. Ca attendra s'était-elle alors dit, tout en portant un regard éternellement insatisfait aux traits couchés sur le carnet à croquis. Un de plus qu'elle oublierait, de toute façon.

La plupart du temps, la brune ne portait que peu d'attention à ce que pouvait bien faire son fiancé, à moins qu'elle ait besoin de lui, ou qu'elle soit en proie à un ennui tenace. Force était de constater cependant qu'elle n'avait pas hésité une seconde à se lever en entendant ce qui s'apparentait à un cri douloureux provenant de la cuisine (c'était sa voix, pour sûr!), un semblant d'inquiétude à son égard naissant alors.

Un intrus, une attaque? Jusque-là, Margot n'avait rien entendu d'autre que les bruits habituels, un ours grognon en train de faire on-ne-sait-quoi dans la cuisine et les enfants des voisins dans leur jardin. Dans le doute cependant, elle récupéra la première chose à sa portée qui saurait faire une arme : une batte commémorative des SF Giants, son équipe favorite. « Chéri? » Le dire lui tirait toujours un semblant de rictus railleur, mais le temps n'était pas à la moquerie. Quoi qu'en découvrant ce qui se passait réellement dans cette cuisine, elle eut du mal à le retenir, ce sourire-là.

Un soupire, et la batte fut abandonnée contre le mur. « C'est la salade qui t'a attaquée? » Moqueuse, elle l'était toujours, même alors qu'elle était en train de récupérer le kit de premiers secours sous l'évier. « Bouge pas, tu vas mettre du sang partout. » Parce que c'était important de le souligner, hein. Surtout avec lui.

Et elle était curieuse d'entendre son explication.

tout est une arme

Il n’avait rien au à faire de sa journée, à part éviter la compagnie de sa fiancée. Mise à pied forcé, suite à une blessure au pied. Il ne pouvait rien faire, pas même appuyer sur les pédales d’une voiture, alors le voilà errant dans sa demeure, à la recherche de solitude.

Zosma avait regardé les limaces s’enterrer dans la terre, les oiseaux passer dans le ciel, puis s’était lancé dans la confection d’une pinta pour l’anniversaire de l’enfant d’un voisin. Cela en avait pris, du temps – il n’avait pas vu passer sa journée filer. Et, tant mieux ! Aucun moment ne l’avait appesanti. Aucun son, aucune vision… aucune parole. Jusque-là, son but avait été atteint : s’enfermer dans sa solitude.

Ce n’était pas que la compagnie de Margot soit un tel fardeau… malgré leur manque de points de ressemblance, la cohabitation ne se passait pas si mal que cela. C’était le fait de savoir qu’il s’était fait avoir, que tout cela n’était que la mascarade d’un bonheur qu’il aurait souhaité posséder. Etre propriétaire d’une maison et d’une belle voiture, être fiancé à une femme belle et intelligente… mais, pas à celle-ci. Pas à Margot. A leur relation, manquait quelque chose d’essentiel : l’amour.

Son couteau s’abattait en un rythme régulier sur la planche à découper. Il était à la maison, donc pour une fois cuisinait. Poisson cuit à l’étouffée, et légumes croquants… rien de bien compliqué. Un peu de crème de soja, et tout serait parfait. L’enquêteur ouvrit le réfrigérateur, mais pris dans ses pensées, oublia la position dans laquelle il se trouvait – le bord de la lourde porte heurta son nez, ce qui lui fit lâcher le couteau qu’il tenait dans sa main… et qui vint se planter dans son pied déjà blessé.

Surprise, douleur ! Il glapit, et cela attira qui il avait tant cherché à éviter dans la cuisine. Margot déboula, une batte à la main – Zosma se mit en position de défense, croyant qu’elle espérait le trouver en position de faiblesse suffisante pour enfin l’achever. Mais, elle soupira, et se délesta de son arme pour prendre une petite boîte qu’il savait remplie de trucs qui collent et qui piquent.

C’est à ce moment-là qu’il prit conscience du sang parcourant ses lèvres et son menton, et de son pied souffrant d’une façon nouvelle. La gueule cassée n’osa pas baisser les yeux, restant crispé dans sa position de défense, face à une Margot qui, elle, gardait son sang-froid malgré la situation.

Sang.
Partout.

Des mots qui résonnèrent dans ses oreilles, avant de se glisser jusqu’à ses intestins, pour les tordre. Son cœur se mit à palpiter rapidement, alors que sa bouche tout à coup très sèche bégaya un mot. « S-ss-s-an-ang ? »

Oh, il fit ce qu’il ne fallait pas. Il regarda son pied, et vit en même temps une goutte d’hémoglobine se lancer de son visage vers le sol, et y éclater.

« Apporte-moi une chaise » dit-il, en fermant la porte du réfrigérateur. Pour un peu, on aurait dit qu’il prenait bien la situation… mais petit à petit, ses membres se mirent à trembler. Il n’allait pas tenir longtemps sur ses deux pattes !

Il fut assez idiot pour baisser les yeux et admirer l'étendue des dégâts – l'effet qu'elle avait à vrai dire espéré en disant cela. De quoi lui tirer l'ombre à peine d'un sourire dont la satisfaction aurait été évidente, si seulement elle lui faisait encore face. Non, bien trop occupée à fouiller la boîte précédemment récupérée, la brune ne lâcha qu'un autre soupir avant de tirer une chaise. « Je t'ai pourtant prévenu. T'aurais pu te retenir de regarder. » Hypocrite. Et absolument pas désolée, en plus de cela.

Lui laissant le temps de s'asseoir avant de littéralement s'effondrer – d'autant que si cela arrivait elle se savait incapable de l'aider à se relever et le laisserait probablement là – la voilà qui finit par se rapprocher. Ses mains (toujours) froides et fraichement lacées vinrent alors s'emparer de son visage, lui faisant relever la tête tandis qu'un simple froncement de sourcils rendait sa propre expression tout à coup bien sérieuse. « Tu t'es pas loupé. Heureusement que le nez cassé te va plutôt bien. » Bon, il n'était probablement pas cassé cette fois-ci (quoi que?) mais qu'importe – si elle pouvait le faire paniquer un peu plus, c'était ça de gagné. Et pourtant, malgré le ton résolument moqueur de ses paroles, quoi que voilées d'une once d'inquiétude peut-être, la voilà qui épongeait le sang s'étant écoulé, un autre mouchoir venant très vite s'occuper de ce qui coulait encore. « Tiens ça. Et évite de trop bouger. » Oh, et Margot ne prévint pas lorsqu'elle se mit à tâter l'arrête de son nez sans plus de ménagement, feignant un souci qui n'en était pas vraiment un.

Parfois, il lui arrivait de se dire qu'il ne méritait pas qu'elle soit si vilaine avec lui, avant que son regard ne se pose sur la chaine qu'elle portait au cou, avec pour pendentif sa bague de fiançailles – c'était tout ce qui lui fallait pour la convaincre que oui, il le méritait. Enfin, le but ici n'était pas non plus qu'il s'évanouisse, et après quelques instants la voilà qui se faisait bien plus douce et consciencieuse, terminant de nettoyer le sang de son visage, désinfectant et terminant par un pansement. Le plus gros restait à venir cependant : son pied.

Un soupir, et voilà la belge qui s'agenouille à ses côtés ; retirer le couteau est la première étape, le geste rapide tandis qu'elle s'écarte légèrement afin de prévenir un potentiel coup de genoux dont elle se passerait bien. « Ca va surement faire mal. » Pas un regard dans sa direction, et en toute honnêteté, ça faisait déjà mal de toute façon. « Qu'est-ce que tu ferais sans moi, hein? » Là par contre, elle avait osé le regard en sa direction, ses prunelles vertes scrutant son expression à la recherche de quelque chose dont elle ignorait la nature – une observation qui ne dura que quelques instants à peine. Et pour sur cette fois le désinfectant allait piquer.

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» You're supposed to be smart. If I wanted to hurt you, I would have.