ON A TOUS UNE HISTOIRE
Il faisait chaud ce jour là. C'était un mois d’août si ensoleillé que les vacances d'été semblaient être un véritable bonheur pour les enfants du petit quartier. Et le jeune William ne dérogeait pas à la règle. Pourtant, son grand-frère ne semblait pas dans le même état d'esprit.
"C'est franchement pas une bonne idée". Dans un premier temps, William se contenta de soupirer tout en levant les yeux au ciel. Si sa mère l'avait vu faire cela, il se serait surement fait crier dessus. Pour autant, elle n'était pas là et il était libre de faire ce qu'il voulait. Ou presque.
"Fais pas ta chochotte Nick", lâcha-t-il, alors que le visage de son grand-frère semblait de plus en plus tendu. Il avait surement raison. Entrer par effraction dans la maison de la vieille foldingue de voisine n'était pas la meilleure idée du siècle, mais la faim justifiait les moyens.
"J'suis sûre qu'elle est là, planquée derrière le canapé. Elle sait qu'on va venir et elle n'attend qu'une seule chose : qu'on entre !". Parfois, Nick semblait avoir une imagination bien trop débordante, mais William n'avait pas peur. Non. Il était bien trop inconscient pour éprouver la moindre peur.
"Hey vous faites quoi ?!". Sursaut général. Les deux garçons se retournèrent d'un même mouvement et leurs yeux se posèrent sur... leur petite sœur, Olivia. William lâcha un soupire de soulagement, alors que Nick surveillait les horizons, pour savoir s'ils s'étaient fait remarqués ou non.
"Va-t-en Liv, c'est pour les grands !". Bon, ce n'était pas très sympa, mais William ne voulait pas se faire prendre. Certes l'excitation de braver l'interdit était fort, mais il ne tenait pas particulièrement à être puni pour ça.
"Mais j'suis grande moi aussi ! Je veux jouer avec vous !!". Will soupira. Quelle glue ! C'est Nicholas qui répondit.
"C'est pas un jeu. On veut simplement récupérer la balle de baseball qu'on a fait tomber dans le salon de la voisine". C'était aussi simple que ça et cela sembla presque décevoir la petite fille.
"Pourquoi vous toquez pas à sa porte ?". Bonne question... pourtant, la réponse semblait si évidente que c'est sur un ton presque blasé que William répondit.
"Tu connais cette vieille chouette de mademoiselle Jenkins ! Elle va nous couper les oreilles si on ose appuyer sur la sonnette de sa porte !". Nick semblait d'accord avec lui et Liv comprenait. Enfin... presque.
"Bah vous avez d'autres balles à la maison, vous vous en foutez de celle là !". Cette fois-ci, ce fut au tour de Nick de hausser un peu le ton.
"QUOI ?!". Oui, bon, il exagérait un peu, mais c'était Nick quoi...
"Une balle dédicacée par le grand, l’immense, le merveilleuuuuux Joe Di Maggio !! Pas question de la laisser chez l'autre vieille mégère !". Un sourire se dessina sur les lèvres de William. Il aimait quand son frère lâchait sa casquette d'aîné responsable de la famille et redevenait ce gamin avec qui il pouvait faire des conneries.
"C'est qui que vous traitez de vieille mégère ?!". Les trois têtes se levèrent et leurs yeux se posèrent sur... mademoiselle Jenkins, les traits tirés par la colère. D'un même mouvement ils se redressèrent et s'éloignèrent au plus vite de la vieille femme, laissant leurs cris d'effrois résonner derrière eux.
William ouvrit un œil... puis le deuxième. Il plissa les paupières et regarda l'heure sur son radio-réveil. Il était dix heures. Il avait fait une nuit complète et peinait à le croire. Il faut dire qu'avec une famille composée de cinq enfants, faire des grasses matinées n'était pas une chose facile. C'est donc le sourire aux lèvres que le jeune garçon se leva de son lit et sortit de sa chambre. Il descendit les escaliers et l'odeur alléchante qui se dégageait de la cuisine l'attira immédiatement. Sa mère était derrière les fourneaux, le nez penché sur une grosse casserole alors que le plan de travail était recouvert de nombreux aliments. C'était un vrai champ de bataille, mais cela ne semblait pas déranger sa génitrice.
"T'as de la chance que je sois sympa et que je t'ai laissé dormir". Pas de bonjour, il aurait dû s'y attendre. Il n'était pas dans les bons papiers en ce moment. C'est donc silencieusement que le garçon pris place sur une des chaises de la cuisine. C'était étrange d'être là, en pleine semaine. Juste avec sa mère. Son père était au travail, Nick, Liv et Gipsy à l'école alors que Juliette dormait dans son berceau dans une des chambres à l'étage. Du plus loin qu'il s'en souvienne, il ne s'était jamais retrouvé seul, ainsi, en pleine semaine, avec sa maman. D'ailleurs, cette dernière l'observa quelques secondes, avant de soupirer, laissant tomber le gant de cuisine sur sa main gauche.
"Franchement Will, t'en as pas marre d'être le cancre de service ?". Elle n'avait pas tord, ce statut n'était pas toujours facile à porter. Mais l'école le soûlait. Rester assis derrière un bureau toute la journée l'énervait. Et puis, il supportait de moins en moins l'autorité excessive de ses professeurs. Alors, il faisait des bêtises. Sur le coup, c'était marrant, mais les conséquences l'étaient beaucoup moins.
"T'as quand même réussi à te faire virer une semaine de ton école !! C'est un record ça, monsieur !". Bon, il était vrai que pour le coup, il avait fait fort, mais il ne regrettait pas vraiment. Et puis, ça avait fait rire les filles de sa classe. A coup sûr, à son retour, il serait vu comme un héros.
"C'est quoi cette odeur ?", demanda-t-il alors, changeant complètement de sujet. Sa mère sembla un peu déstabilisée par l'intérêt soudain de son fils qui, jamais auparavant ne s'était intéressé à la nourriture, encore moins à sa cuisine.
"C'est euh... un bœuf bourguignon... c'est français... une amie m'a donné la recette...". Intrigué, le gamin se leva de sa chaise, s'avançant pour jeter un coup d’œil au contenu dans la casserole.
"ça sent bon, j'peux goûter ?". Et là, sans vraiment le savoir, c'est en avalant cette première cuillère de sauce que William tomba amoureux. Un amour réciproque qui allait lui demander énormément de travail et de minutie. Un amour qui le sauva d'une vie sans but, sans excitation, sans perspectives. Un amour qui allait changer sa vie.
"Laisse-moi résumer la situation : toi, mon fils, William Jones, véritable petit cancre, tu me demandes, à moi, ton pauvre père, de te payer une école hôtelière hors de prix, à Paris ? C'est une blague, c'est ça ?". Bon, son père n'avait pas tord. D'ailleurs, à en voir les sourires de son frère et de ses sœurs, le père Jones n'était pas le seul de cet avis là. Pourtant, du haut de ses quinze ans, William était sûr de lui. Il voulait faire de la cuisine.
"J'ai passé un test papa, ils pensent vraiment que j'ai ma place là bas... j'ai même obtenu une bourse !". Et pour une fois, dans sa misérable petite vie, il se sentait fait pour quelque chose... Du moins, quelque chose d'autre que toutes les conneries qu'il pouvait faire au quotidien. Finalement, c'est la voix tendre et chaleureuse de sa mère qui lui vint en aide.
"Robert... tu ne peux quand même pas nier qu'il a du talent !", lâcha-t-elle en désignant le majestueux plat qui trônait au milieu de la table familiale.
"Ouais c'est vrai, c'est vraiment trop bon", surenchérit la petite Gipsy, de la sauce plein la bouche. William ne se priva d'ailleurs pas pour lui faire un clin d’œil complice, avant de reprendre un visage sérieux. Il était décidé. Il allait partir à Paris, que son père le veuille ou non... Enfin, c'était quand même plus simple si son paternel était d'accord.
"Ecoute papa, je sais que c'est beaucoup demandé, mais pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression de sortir la tête de l'eau, d'avoir un but, tu comprends ?". Un long silence suivit sa tirade. Un silence durant lequel son paternel le regardait, attentif aux expressions lisibles sur le visage de son gamin. William le savait, il avait marqué un point.
"Bon, d'accord, mais au moindre dérapage, tu reviens illico !". Halleluya ! L'adolescent se leva d'un bond de sa chaise pour venir embrasser son père, un énorme sourire sur les lèvres.
"Hey l'américain ! Y a le chef qui veut te parler !". Surpris, William enleva sa toque, retira son tablier et sorti de la cuisine pour parcourir le couloir et se rendre dans le bureau de son chef.
"Ah, William, te voilà !". Cela faisait bien trois ans qu'il travaillait pour ce grand chef étoilé. Le palace parisien avait même obtenu sa seconde étoile au Guide Michelin et William aimait se dire qu'il en était, en partie, responsable.
"Entre entre". Ne se faisant pas prier, le jeune homme entra dans la pièce, s'asseyant sur la chaise à côté de celle de son mentor.
"T'as encore fait du très bon boulot ce soir". Ça, il le savait. Tout comme il savait pertinemment lorsqu'il faisait du boulot pourri. A vrai dire, il était assez intransigeant avec lui même. Si dans sa vie personnelle, William était du genre laxiste, dans sa vie professionnelle, il était si minutieux qu'il pouvait paraître trop pointilleux et exigeant pour ses collègues.
"Merci chef", lâcha-t-il, le visage teinté d'une légère fatigue. Il était plus de trois heures du matin. Il avait les jambes en compote et méritait une bonne nuit de sommeil.
"Ecoute, ça fait quelques temps que j'y pense... et maintenant, je suis certain de mon choix. Tu sais que je vais ouvrir un nouveau restaurant à San Francisco ?". Il en avait entendu parler. Pourtant, il n'avait rien demander. Bien sûr, il adorait Paris, même si le temps était un peu à chier et les gens pas très polis, il aimait vraiment cette ville, sa culture. Il aimait voir de beaux monuments, se balader le longs des berges. Il aimait prendre le métro, aborder les jolies filles et les faire craquer avec son petit accent. Il aimait boire un café en terrasse le matin et se gaver de pains au chocolat. Oui, il aimait vraiment sa vie ici, mais dans un coin de son cœur, San Francisco lui manquait atrocement.
"Oui chef, j'en ai entendu parler", répondit-il, sans vraiment savoir où cet homme qu'il admirait tant voulait en venir.
"Que dirais-tu d'en devenir le chef ?". Il crut bien que ses yeux allaient sortir de leurs orbites. Lui ? Chef ? Âgé d'à peine dix-neuf ans on lui proposait de devenir le chef d'un restaurant gastronomique ? Il peinait à y croire.
"Qu-quoi ?". Pourtant, le vieil homme ne tarda pas à reprendre.
"Tu as du talent et une véritable âme de leader. Tu perds ton temps ici, tu as déjà fait le tour de ce que tu avais à apprendre. Il est temps que tu te renouvelles et quoi de mieux que l'ouverture d'un nouveau restaurant dans lequel tu seras aux commandes ?". Il avait raison. Son chef avait su lire en lui et après un très léger temps de réflexion, William donna sa réponse.
"Ce serait un honneur, chef !".
"Oh putain d'putain !!". C'était typiquement le genre de journée dont William se serait bien passé. Le soir même, il recevait le gouverneur au restaurant où il travaillait et depuis qu'il avait ouvert les yeux, c'était comme si le ciel lui tombait petit à petit sur la tête. Ça avait commencé par sa machine à café qui était tombée en panne, puis, sa vieille voisine qui lui avait crié dans les oreilles. Ça avait continué avec la pluie qui lui était tombée sur la tronche, un appel du boulot lui annonçant que la chambre froide était tombée en rade et enfin, les embouteillages, alors que sa vieille voiture jaune manquait d'essence.
"TU VAS LA BOUGER TA CAISSE, CONNARD ?!", gueula-t-il en ouvrant sa fenêtre, et, alors que le type devant semblait l'écouter, il ne vit pas la voiture arriver sur la droite et fonça droit devant elle. Un bruit tonitruant lui secoua le cerveau et, une seconde plus tard, il sortait de son véhicule, bien amoché. Au moins, il avait arrêté de pleuvoir, c'était déjà ça.
"PUTAIN !!", hurla-t-il en observant l'avant de sa voiture complètement défoncé.
"LA PRIORITÉ A DROITE, VOUS CONNAISSEZ ?! VOUS L'AVEZ EU OU VOTRE PERMIS ? DANS UNE BOITE SURPRISE ?!". Ses yeux quittèrent sa pauvre voiture pour se poser sur... une petite nana. Elle devait avoir son âge et était assez mignonne si on oubliait son air tendu et sa voix qui lui gueulait dans les oreilles.
"Et vous alors ?! Votre feu était rouge ! ROUGE MADAME !". Bon, il était de mauvaise foi, mais il s'en fichait. La jeune femme lâcha un rire sarcastique avant de reprendre.
"C'est votre tronche qui va devenir rouge quand je me serai occupée de votre cas !". Ce fut au tour de William de rire.
"Ouuuh, des menaces ! J'ai vachement peur... espèce de... de... naine !". Bon, c'était pas très sympa, mais elle le méritait. Finalement, il y eut un léger temps d'arrêt, avant... que la jeune femme n'éclate de rire.
"Hey ! Mais j'suis pas si petite que ça !". Et son rire fut contagieux, puisque William se mit également à rire comme un con. Cela permit de détendre un peu l'atmosphère et surtout, à remettre les idées en place au jeune homme.
"Ecoutez, j'suis désolé. J'passe une journée de merde et j'ai pas fait gaffe...". Et puis, elle était vraiment mignonne, il fallait bien l'avouer.
"C'est rien. Ma voiture n'a rien. Pour la votre, j'peux appeler mon voisin, il est garagiste.". Miracle !
"Ah ouais, ce serait vraiment cool, merci !". Elle lui offrit un petit sourire, avant d'ouvrir de nouveau la bouche.
"J'm'appelle Fiona... et oui, tu pourras avoir mon numéro de téléphone.". Finalement, cette journée n'était pas si nulle que ça...
C'était une soirée banale, devant un film banal, dans son lit
banal.
"Will ?". Il leva les yeux de sa bande-dessinée et admira Fiona pendant quelques secondes avant d'ouvrir la bouche.
"Ouais ?". En fond sonore, il pouvait entendre les coups de feu sortant des enceintes de la télévision, mais ils étaient bien trop lointains pour que William n'y porte une quelconque attention.
"J'suis enceinte". La première seconde fut silencieuse. William se contentait de regarder sa petite-amie, comme pour déceler le vrai du faux. La deuxième seconde fut une simple transition, tout comme la troisième et quatrième. Finalement, c'est au bout de la cinquième seconde que ses yeux se plissèrent. Elle disait vrai. Il la connaissait assez pour savoir qu'elle ne le faisait pas marcher. Elle n'avait pas cet air si sérieux lorsqu'elle lui faisait une blague. Finalement, c'est au bout de la dixième seconde que sa voix se fit entendre.
"Euh...". Il avait l'air con, là, allongé dans son pieu, un t-shirt stupide sur les épaules et une bande-dessinée à la con dans les mains. Elle s'attendait surement à autre chose. A des paroles rassurantes, une joie immense ou même un baiser enflammé. Au lieu de ça, elle ne récoltait qu'un
"euh" stupidement prononcé.
"C'était pas prévu ça", finit-il par lâcher, complètement paumé. Elle pouffa de rire.
"Depuis quand tu prévois des trucs, toi ? C'est à peine si tu sais ce que tu vas faire ce week-end !". Bon, elle n'avait pas tord. Mais bon, être père à vingt piges, ça ne faisait quand même pas parti du plan.
"Mais... j'veux pas être père moi". Il avait l'air d'un gamin là, à la regarder avec ses grands yeux bleus. Qu'est-ce qu'un type comme lui pourrait faire d'un gosse ? Bien sûr, avec ses nièces, il était le tonton cool. Celui qui leur apprenait à faire des conneries ou encore, celui qui leur faisait partager ses grandes théories stupides sur la vie. Mais avoir un enfant à lui tout seul, ça semblait trop pour lui. Pourtant, ce ne fut pas l'avis de sa petite-amie, qui se redressa un peu, plantant son regard de braise dans le sien.
"Ecoute-moi bien William Jones". Oulà, il était dans la merde. Son souffle se coupa et il obéit alors qu'elle pointait sur lui un doigt vilement accusateur.
"On va l'avoir ce bébé et tu vas être heureux. Tu seras là pour me tenir les cheveux quand je vomirai et tu fumeras en cachette dans les chiottes en me disant que t'as arrêté pour me soutenir. Tu m'accompagneras pour les échographies et même si on se sera mis d'accord pour ne pas savoir le sexe du bébé avant l'accouchement, tu le demanderas en cachette au doc'. Tu vas faire des heures sup' au boulot et lire des putains de bouquins sur la paternité. Tu te diras que c'est des conneries, mais tu les lieras tous. Tu feras même des recherches stupides sur les prénoms à donner à notre gamin et non, on l'appellera pas Luke Skywalker. Tu vas vider ton bureau de toutes les merdes que t'as accumulé et repeindre les murs en jaune pâle pour accueillir notre enfant. Un beau jaune pâle, pas un moche comme ta voiture. Tu vas être heureux et me faire des massages de pieds tous les soirs. Le jour de l'accouchement, tu grilleras tous les feux rouges et tu seras là, avec moi à me tenir la main. Et puis, quand t'auras ce tout petit être dans tes bras, tu comprendras que depuis le début, j'avais raison. Que malgré la peur, à cause de notre situation, du peu d'argent qu'on a ou encore de notre jeunesse et bien, avoir cet enfant était la plus belle chose qui pouvait nous arriver... Compris ?". Bon. Visiblement, elle avait tout prévu et si son discours en aurait fait fuir plus d'un, c'est à ce moment précis que William compris que cette femme était faite pour lui.
"Bon alors les filles, c'est qui le meilleur ?". L'air fier, il était là, planté devant Mattie et Charlotte qui ne tardèrent pas à lui répondre d'une même voix.
"C'est tontooooon !". Un énorme sourire dessina son visage et il fut surpris de sentir une tape dans son dos.
"Te la raconte pas trop, quand même !". Nick le regardait, visiblement amusé des conneries que son frère pouvait raconter à ses filles. Mais il était comme ça, William. Il aimait faire rire la galerie et si son père lui répétait sans cesses qu'il devait grandir, lui, il aimait franchement apprendre ses tours de passe-passe à ses nièces, assez âgées pour comprendre. Mikaela était encore qu'un bébé et si Will adorait sa fille, elle n'était pas encore en âge de comprendre ce qu'il avait à lui apprendre. Et puis, en un sens, il préférait que ce soit ses nièces qui imitent les bêtises qu'il avait pu faire plus jeune, plutôt que sa propre fille... il ne voulait pas se faire tuer par Fiona. Cette dernière d'ailleurs, discutait tranquillement avec Elizabeth, dans un coin du jardin de la maison familiale. Mikaela endormie dans ses bras.
"C'est quand même pas de ma faute si tes filles sont les seules à m'estimer à ma juste valeur !", lâcha-t-il, portant à sa bouche la bouteille de bière qu'il tenait de sa main gauche. C'était une après-midi parfaite. Tout le monde était là. Ses parents, son frère, ses trois petites sœurs. Toute la famille Jones était réunie sous le soleil de l'été, enfin... presque.
"Désolée, j'suis en retard !". Les cheveux décoiffés, le souffle coupé, Olivia arriva, balançant son sac dans un coin, avant de rejoindre la famille. Visiblement ravi, le patriarche se leva, attirant immédiatement l'attention sur lui.
"Nous voilà tous réunis !", lâcha-t-il d'une manière presque dramatique. A cet époque, William vivait dans l'inconscience que ses parents n'étaient pas éternels. Ce qu'il ignorait c'est que rapidement, son père allait s'envoler, laisser un vide incroyable au fond de son coeur...
"J'arrive pas à y croire". Assis dans un coin de la pièce, il observait sa fille, s'amuser en compagnie de ses cousines.
"Faudra t'y faire Jones, ta fille a vingt-et-un ans !". Rien qu'à l'idée que sa fille soit adulte, William avait envie de vomir. Non, elle n'était pas adulte. Lorsqu'il la regardait, il revoyait ce tout petit être qu'il avait tenu dans ses bras, la toute première fois. Bon Dieu que le temps passait vite. Vingt-et-un ans qu'il était père, vingt-et-un ans de changements. Lui qui avait fait monté en flèche le restaurant de son mentor avait fini par partir, reprenant la pâtisserie de sa très chère mère, pour l'agrandir et en faire un restaurant. Ça avait été une bonne idée et en un sens, ça avait indéniablement rapproché Elizabeth et William. Et puis, il y avait eu ces anniversaires, ces fêtes, ces hauts et puis ces bas. Mais au final, il était satisfait de sa vie, de sa vie de couple avec Fiona, qu'il aimait comme au premier jour. Il était fier de cette enfant qu'elle lui avait offert. Fier de sa fille, qui, était bien plus futée que lui à son âge. Sa fille qui devenait une jolie jeune femme... Fiona lui rappelait souvent la tête qu'il avait fait lorsqu'elle avait ramené son premier petit copain à la maison. Il avait failli tomber dans les pommes. Mais c'était la vie. Sa fille adorée n'était plus un bébé et si ça lui faisait mal au tripes de se l'admettre, il n'avait pas le choix.